Moulin à vent de l’île Saint-Bernard
Récit historique du moulin à vent de l’île Saint-Bernard, produit en collaboration avec la Société du Musée du Grand Châteauguay.
Assise sur les berges du fleuve Saint-Laurent depuis plus de trois siècles, la tour du moulin à vent de Châteauguay est le plus ancien moulin de la rive sud du Saint-Laurent entre la frontière américaine et la Gaspésie.
L’obligation de tenir «feu et lieu» dans sa seigneurie et d’y installer des censitaires contraint le seigneur d’ériger un moulin pour pourvoir les habitants en farine. La construction d’un moulin à vent attire des colons et devient source de revenus pour le seigneur. Un arrêt royal publié le 21 octobre 1686 ordonne aux seigneurs de construire des moulins banaux sur leurs domaines au cours de la prochaine année. L’île Saint-Bernard est un endroit idéal pour ériger un moulin à vent. Bien qu’il soit difficile d’établir avec précision la date de construction du moulin de l’île, son érection est attribuée à la famille Le Moyne. Le contrat d’engagement d’un soldat dénommé Laforest, rédigé le 26 décembre 1686, nous montre que le moulin est déjà édifié et que l’individu est engagé «[…] soit au desfrichement chacune de terre au moulin qu’autre mesnage». Construit selon les traditions héritées de France, le moulin de l’île Saint-Bernard est de type moulin-tour de dimensions modestes, mesurant 21 pieds au-dessus du sol. La tour comporte deux entrées, avec un rez-de-chaussée et deux étages. La toiture de forme conique renferme le mécanisme du moulin.
Mère d’Youville achète la seigneurie le 8 juin 1765 et constate le peu de rentabilité du moulin à vent, trop exposé aux gros vents et dont le site est difficile d’accès pour les censitaires de plus en plus nombreux. Elle décide de faire construire un moulin à eau à une lieue de l’île Saint-Bernard à partir de l’hiver 1765. On équipe ce nouveau moulin avec la meule du moulin à vent de l’île Saint-Bernard et celle du moulin des Frères Charron à Montréal.
Utilisé durant moins de 80 ans, le moulin à vent de l’île Saint-Bernard marque néanmoins les débuts de la colonisation et de l’industrialisation de Châteauguay. Contrairement à de nombreux moulins du Québec, celui de Châteauguay résiste encore au temps et nous rappelle l’époque où les hommes y venaient tant pour leur subsistance que pour fraterniser. Aujourd’hui propriété de la Ville de Châteauguay, on peut remercier les Sœurs Grises si la tour existe encore aujourd’hui.
Quelques dates
Concession de la seigneurie de Châteauguay à Charles Le Moyne et Jacques Leber.
Début du conflit entre les Français et les Iroquois. Des militaires stationnés sur l’île Saint-Bernard sont tués. La guerre prend fin en 1701.
Construction du moulin à vent de l’île Saint-Bernard.
Location de l’île Saint-Bernard par les Sœurs Grises de Montréal et rénovation du moulin à vent.
Achat de la seigneurie de Châteauguay par les Sœurs Grises de Montréal. Fermeture du moulin à vent. Construction du moulin à eau sur l’île Chèvrefils.
Centenaire de l’achat de la seigneurie de Châteauguay par les Sœurs Grises et restauration de la vieille tour de l’ancien moulin à vent.
Achat de l’île Saint-Bernard par la Ville de Châteauguay.
La situation politique de la Nouvelle-France s’envenime et la guerre éclate avec les Iroquois à partir de 1683. Le moulin de Châteauguay sert alors de redoute; les meurtrières à l’intérieur de ce dernier démontrent ainsi la double fonction du bâtiment. Pendant le conflit, alors que des militaires sont postés sur l’île Saint-Bernard, un officier est abattu près du moulin le 9 septembre 1690. Enterré dans le cimetière de Lachine, le curé inscrit l’acte de sépulture dans ses registres :
«Ce Jour dhuy 10me Septembre 1690 a esté Inhumé dans cette eglise des Sts Anges de la chine le corps de deffunct Jean le mettier escuyer Sr des marests capitaine reformé du detachement de la marine commandant pour le Roy le fort de chasteau guay quy fut tué hier au matin par les Iroquois enemys proche le moulin du dit chasteau.»
La tour du vieux moulin à vent, inutilisée, est laissée à elle-même. On ne projette nullement la destruction de la tour de pierre, qui reste toujours debout au milieu du 19e siècle. Une chapelle est érigée en 1865, appelée pour l’occasion «Bethléem». Un dôme de fer blanc est construit sur la tour pour une somme de 40 $ et on la couronne d’une statue de Saint-Joseph, pour qui elle est érigée.