Moulin de l’île Chèvrefils
Récit historique du moulin de l’île Chèvrefils, produit en collaboration avec la Société du Musée du Grand Châteauguay.
En février 1765, après l’acquisition de la seigneurie de Châteauguay par les Sœurs Grises, un second moulin est construit à environ 4 kilomètres du manoir aujourd’hui connu sous le nom du Manoir D’Youville. Une digue de 400 pieds de large (120 m) et un canal de 280 pieds de long (85 m) servant à amener l’eau au moulin sont également érigés au même moment. Le projet s’échelonne sur quatre ans et se termine en 1769. Il s’agit d’une initiative de Mère d’Youville dans le but de favoriser les censitaires qui n’ont ainsi plus à se déplacer jusqu’à l’île du Fort Châteauguay (de nos jours appelée l’île Saint-Bernard) pour bénéficier des services du meunier.
La digue et les autres qui sont construites par la suite, bien que fort utiles, occasionnent quelques inconvénients à certains résidents et, par contrecoup, aux Sœurs Grises, puisqu’elles nuisent à la navigation et à la remontée des poissons.
En 1839, après avoir pris la décision d’effectuer des réparations sur l’ancien moulin, les Sœurs réalisent que ce travail ne sera pas suffisant. Sur les conseils des ouvriers, l’ancien bâtiment est démoli. Son fonctionnement est interrompu le 15 avril 1839, et les travailleurs se mettent aussitôt à l’ouvrage pour le démanteler, jusqu’à ses fondations, pour en reconstruire un nouveau. Le 1er octobre 1840, après seulement quelques mois de travail, le moulin neuf entre en fonction et le meunier reprend son poste pour y moudre le grain. Bien que Mère McMullen n’ait prévu qu’un budget de 300 livres pour la rénovation, elle déclare : «[…] la divine Providence nous a toujours fourni de l’argent pour donner aux ouvriers chaque fois qu’ils en ont demandé, et aucun n’a été renvoyé sans être satisfait. Nous eûmes bientôt payé les comptes de nos autres créanciers». Le meunier doit par contre attendre jusqu’en 1845 pour entrer en
possession de son logement.
En 1863, Sœur Reid reçoit une lettre à la suite d’une consultation concernant la digue, dans laquelle John Walker recommande aux Sœurs Grises de réaliser quelques travaux pour améliorer le fonctionnement du moulin et augmenter la valeur de la propriété. Il est également suggéré de rehausser et de renforcer la digue afin de s’assurer qu’elle résiste à l’épreuve du temps et des intempéries.
Pendant plusieurs années, au printemps, la digue occasionne de nombreuses dépenses, et les revenus générés par le moulin ne suffisent plus à les couvrir. Ce dernier est donc vendu pour environ 5 000 $. Le nouveau propriétaire en fait une manufacture d’outils.
Quelques dates
Construction du moulin par les Sœurs Grises et creusage du canal qui fera de cette pointe de terre une île.
Ajout d’un moulin à carder la laine et d’un moulin à scie.
Procès contre les Sœurs Grises. On reproche à la digue d’empêcher les poissons de remonter la rivière.
Démolition et reconstruction du moulin construit en 1765.
Perte du procès pour dommages causés par la digue.
La partie supérieure de la digue est emportée par les glaces.
Le moulin est la proie d’un incendie.
Vente de «l’ancien moulin» (construit entre 1839 et 1840).
Une nouvelle digue est construite, l’autre ayant été emportée par les glaces.
Destruction du moulin construit en 1839-1840.
Reconstruction de la digue en béton armé.
La digue, aussi connue sous le nom de «dam», existe toujours. Il est possible de la voir près de l’actuelle île Chèvrefils, entre le Centre d’hébergement Châteauguay (95, chemin de la Haute-Rivière, rive ouest de la rivière Châteauguay) et le parc Valérie-Fournel (boulevard Salaberry Sud, rive est).
Vers 1830, un procès est engagé contre les Sœurs Grises. Les plaignants reprochent à la digue d’empêcher les poissons de remonter la rivière du Loup (ancien nom de la rivière Châteauguay). La mère supérieure, pour contrer la médisance, envoie alors trois hommes plus loin sur la rivière pour chercher des poissons qu’ils ramènent à la cour, prouvant que les poissons pouvaient finalement remonter la rivière.
Le lieu est protégé à titre de frayère pour poissons du 1er novembre au 30 juin de chaque année.
En 1826, un moulin à scier le bois et un autre servant à carder la laine sont ajoutés au moulin des Sœurs Grises par Mère Lemaire. Vers 1837, le mécanisme à carder est vendu pour faire fonctionner un nouveau moulin à cardes.
Le 7 juillet 1840, Mère Beaubien, la supérieure des Sœurs Grises, préside une cérémonie de bénédiction du troisième moulin. Ce dernier prendra feu à la fin des années 1860.