Patriotes
Récit historique des Patriotes à Châteauguay, produit en collaboration avec la Société du Musée du Grand Châteauguay.
La petite histoire
Les Révolutions atlantiques voient des Patriotes de tous les pays se battre pour les libertés démocratiques et l’autodétermination nationale. La nation canadienne1 mène aussi ce combat. Les Châteauguois sont au cœur de cette lutte.
Le député patriote local, Joseph-Narcisse Cardinal, a l’âme d’un chef et contribue à la fondation, en juillet 1837, de l’Union patriotique de Châteauguay, pendant local du Comité central et permanent de Montréal. L’organisation d’un nouveau gouvernement est poussée par la coercition anticonstitutionnelle des autorités coloniales. Le comté de LaPrairie, auquel appartient Châteauguay, se joint à la Confédération des Six-Comtés lors d’une grande convention à la fin d’octobre 1837.
En 1837, les Patriotes se doivent de résister au coup d’État de la junte militaire, mais les Châteauguois restent tranquilles. Quelques-uns doivent pourtant se réfugier aux États-Unis pour échapper aux arrestations massives. Ils y préparent une nouvelle insurrection avec l’appui des New-Yorkais et des Vermontais. De retour chez eux, Joseph-Narcisse Cardinal, Joseph Duquet, François-Maurice LePailleur, Abraham Desmarais et Henry Newcomb assermentent environ 250 Frères Chasseurs à l’auberge de la veuve Boudrias. Cardinal y tient son étude de notaire et une cache d’armes.
Le 3 novembre 1838, les Tories de la région sont désarmés puis emprisonnés au village. Comme Cardinal et Duquet comptent de nombreux amis chez les
Agniers de Kahnawake, les Patriotes veulent s’allier à eux pour prendre les casernes militaires de LaPrairie. Le curé de la mission réussit cependant, grâce à des arguments fallacieux, à gagner la fidélité des Agniers au gouvernement colonial. Le matin du 4 novembre, l’expédition patriote vers Kahnawake est embusquée, et une soixantaine de Patriotes sont livrés aux autorités militaires de Lachine. Les détenus sont violentés par la foule tory qui les mène en prison.
Une semaine plus tard, le camp de Châteauguay est dispersé par les troupes impériales dans une courte escarmouche. Agniers, volontaires tories et militaires
britanniques pillent, saccagent et incendient le village pendant 5 jours. Les ravages sont presque complets sur les rue Desparois, Cécyre, Bouthillier et sur le Chemin du Roy autour du pont.
Les procès sont truqués. Le jury est composé de soldats qui ont essuyé le feu patriote : sur les 108 accusés, 99 sont condamnés à mort, dont neuf Châteauguois. Cardinal et Duquet sont pendus publiquement le 21 décembre 1838. Le mécontentement populaire est tel que les autorités commuent les peines : 58 Patriotes sont exilés dans la colonie pénitentiaire australienne. De ce nombre, on compte sept Châteauguois.
1 À l’époque, Canadiens désigne les francophones de la vallée du Saint-Laurent.
Quelques dates
Fondation de l’Union patriotique de Châteauguay chez Narcisse Mallet.
Assemblée de la Confédération des Six-Comtés.
Insurrection patriote de 1837.
Plusieurs Châteauguois assistent à la première déclaration d’indépendance du Bas-Canada par Robert Nelson, à Noyan.
Organisation de la loge de Frères Chasseurs de Châteauguay.
Désarmement et emprisonnement des Tories de Châteauguay et de Beauharnois par les Patriotes.
Expédition de Kahnawake.
Échec de l’insurrection patriote de 1838.
Escarmouche entre l’armée britannique et les Patriotes au camp de Châteauguay.
Sac du village de Châteauguay par les Agniers, les volontaires tories et l’armée britannique.
Pendaison publique de Joseph-Narcisse Cardinal et Joseph Duquet au Pied-du-Courant à Montréal.
Déportation de sept Châteauguois en Australie : Louis Guérin, Joseph Guimond, François-Maurice Lepailleur, Dr Samuel Newcomb, Jean-Baptiste Trudel, Jean-Louis et Jean-Marie Thibert.
François-Maurice LePailleur
Le Monde illustré, vol. 7 no 361, p. 773
(4 avril 1891) sur BANQ
Les Insurgés, par Jane Ellice, aquarelle, 1838
La pendaison de Duquet
Depuis le Moyen-Âge, les exécutions sont soumises à la coutume de l’ordalie. Selon la croyance, une exécution ratée se révèle une intervention divine pour sauver un innocent, même si l’accusé s’est fait prendre en flagrant délit.
La corde mal attachée autour du cou du jeune Duquet lui serre le visage lorsque la trappe s’ouvre sous ses pieds, lui évitant la mort dans d’atroces souffrances. La foule tory demande grâce alors que le bourreau remonte le corps du condamné. On lui ordonne pourtant une nouvelle pendaison, malgré la coutume. Ce sont les premières pendaisons d’une longue série et les autorités ne veulent pas entacher la crédibilité du processus judiciaire subi par les Patriotes.
L’exil de François-Maurice LePailleur
François-Maurice LePailleur est banni à vie avec 57 autres Patriotes. Le verdict tombé, il embarque à bord du navire Buffalo en ayant à peine le temps d’écrire une lettre d’adieu aux siens. Sur le bateau, on le dépouille de tout objet, puis on le laisse croupir 5 mois dans la cale. Arrivé à la colonie pénitentiaire qu’est l’Australie d’alors, il tient un journal quotidien qui a depuis été publié intégralement. Sa connaissance de l’écriture lui vaut des travaux moins pénibles qu’à
certains autres Patriotes. Il est généralement employé comme peintre, ce qui lui permet d’amasser assez d’argent pour se payer le voyage de retour après l’amnistie générale des Patriotes, décrétée par la reine Victoria en 1844.
Assemblée des Six-Comtés, Charles-Alexander Smith, 1890
Chaque année, la Société du Musée du Grand Châteauguay procède à une reconstitution historique incluant des tirs protocolaires.